vendredi 3 janvier 2014

32 - Potosi - Mines de rien !

Le trajet se déroule encore une fois sous la pluie... l'été ici correspond avec la saison des pluies, on l'avait lu mais là comme on le subit, on y croit vraiment!
Le bus grimpe haut, très haut... après une série de grandes montées et de petites descentes, nous atteignons 4800m!
Ça secoue un peu et ça tourne pas mal, il faut dire qu'il y a beaucoup de virages et que le bus n'est pas de première jeunesse.
3h plus tard nous atteignons notre objectif : il est 18h et nous sommes arrivés à Potosi. Nous laissons là les 4 argentins avec qui nous avons visité le Salar et sautons dans un taxi direction l'hostel que nous avons réservé par internet le jour même. De petites rues étroites en petites rues étroites nous arrivons dans un hostel beau, Julien monte choisir notre chambre, il redescend tout content: la chambre est fantastique avec un lit immense! Tout content nous nous apprêtons à monter nous installer. Et là non!  Il y a confusion, nous ne dormons pas là mais dans l'annexe... et oui notre réservation n'est pas valable pour cet espace mais poir l'autre, quelques maison plus loin et bon signalé... déception!  Nous reprenons donc nos sacs et allons nous installer à l'annexe, c'est moins bien mais c'est quand même lumineux et spacieux.
Après un repos de courte durée, nous préparons notre carte de voeux afin de vous poster en temps et en heure tous nos voeux de bonheur pour 2014 (si c'est pas mignon ça quand même). Notre folle soirée de réveillon peut enfin commencer!

En réalité nous sommes morts, le réveil à 4h du matin commence à se faire sentir et nous sommes à un peu plus de 4000 mètres d'altitude, du coup notre souffle se fait court et le mal de tête n'est pas loin. Sur ce nous ouvrons notre bouteille de vin (celle de notre carte de voeux) et buvons un verre en compagnie d'un argentin tout content de pratiquer son français. Nous partons ensuite faire un petit tour et chercher un restaurant... nous sommes surpris de voir que beaucoup de gens fêtent le réveillon dans la rue, avec pétards et feux d'artifices à la main, prêts à tout faire péter à minuit!  Nous nous trouvons un petit restaurant avec des locaux, un menu unique spécial réveillon à base de cochon de lait, de maïs et de banane planteur. Nous nous attablons avec une grande bière en guise de champagne et une fois le cochon de lait dégusté, nous avons bien du mal à terminer notre bière. Pendant ce temps là, 2 dj concurrents aux abords du restaurant se font une bataille, l'ambiance sonore est assourdissante. Nous regagnons ensuite notre chambre et regardons un film afin d'essayer d'atteindre l'heure fatidique: 00h15 extinction des feux! Voilà, le réveillon du jdl c'est fait. C'était pas folichon, mais heureusement, on n'en a rien à faire ;)

Le lendemain du réveillon, vous savez quoi? Pas de turista! Le concept nous plaît dès le réveil et nous décidons d'aller chercher de quoi se substanter. Mais ce n'est pas chose facile... tout est fermé ou presque en ville. Nous allons donc nous rabattre sur une base du régime alimentaire bolivien: un demi poulet grillé... il va être difficile de faire des trucs aujourd'hui, ça tombe bien! On regarde un film, on rédige un article, on met à jour nos cartes, on fait la sieste... Repos! Et puis les docteurs nous avaient dit qu'il faut y aller tranquillement pour s'adapter à l'altitude, nous appliquons rigoureusement les consignes :)

Le 2 janvier la vie de touriste reprend gentiment son cours... on s'occupe de faire faire une lessive, on réserve pour une excursion un peu spéciale le lendemain (ils nous font même signer une décharge en cas d'accident) et puis on visite le musée phare de la ville: la moneda. Il s'agit d'une ancienne fabrique de pièces en argent, ayant fait la richesse et la réputation de Potosi pendant des siècles. Le musée est dans une bâtisse formidablement réhabilitée, mais l'attraction principale de cette visite va être les visiteurs eux-même. Leur comportement va un peu nous subjuguer, voire nous effarer parfois. Âgés de 20 à 40 ans, ils sont plus préoccupés par se faire prendre en photo à côté des oeuvres que par les oeuvres... ils ne les regardent même pas parfois... mais peuvent sans problème s'asseoir dessus ou les gratter pour voir... peut être qu'ils les regardent sur photo plus tard!? :)
Après un tour rapide au marché, nous rentrons satisfaits (on a acheté 70 cents € un assortiment de légumes préparés sur mesure, salade!) et allons continuer tranquillement notre adaptation à l'altitude. Et puis il se met à pleuvoir, ça s'arrête pas, pas de regret :)

Le jour de l'excursion mystère est arrivé!  Nous voilà partis en compagnie de Julio, ancien mineur reconverti en guide: nous allons visiter une des mines d'argent encore en fonctionnement à Potosi. Cette excursion est l'attraction principale de Potosi mais le lonely émet toutefois quelques avertissements : il ne s'agit pas d'un musée, l'excursion coûte entre 100 et 150 bolivianos (10 et 15€), elle peut être réalisée avec des anciens mineurs ou des agences autres qui prennent des risques inconsidérés! Attention donc au choix de l'agence. Nous avons donc choisi l'agence greengo tours, Julio le patron a l'air de bien connaître le terrain et il est vivement recommandé par notre cher guide!
Ce matin nous quittons l'agence à 9h, nous sommes 9 touristes pour 2 guides. Nous sautons dans un bus de ville qui nous conduit à un marché. De là nous nous séparons en 2 groupes et nous commençons le parcours que font les mineurs tous les matins à partir de 3h. Au marché ils se restaurent et achètent de la coca. Sur les conseils de Julio, nous achetons de la coca afin d'essayer (il paraît que ça aide dans la mine) et d'en donner aux mineurs que nous croiserons. Ensuite nous nous rendons au supermarché du mineur, tout l'équipement s'y trouve : lampe, casque, masque, veste, soda, dynamite... oui à Potosi la dynamite est en vente libre!  Nous n'achetons rien de tout ça et partons nous équiper... et quelques minutes plus tard nous nous sentons un peu plus mineurs: sur-pantalon, veste, bottes, ceinturon, casque, lampe frontale, sac en toile de jute... on vous laisse vous marrer en regardant les photos! Pour couronner le tout nous commençons à mâcher la coca, étrange sensation!
De là nous prenons un autre bus qui nous conduit à l'entrée du site. Julio nous explique qu'il y a actuellement 15 000 travailleurs dans les mines, répartis entre différentes coopératives. À l'intérieur de chaque coopérative, il y a des groupes autonomes et parfois concurrents d'une dizaine de personnes. La coopérative leur permet de mutualiser les coûts fixes (air comprimé pour marteau piqueur par exemple), de contrôler l'exploitation de la mine en définissant où creuser, de définir les règles de travail et les interdictions (il n'y a aucune législation nationale), de récolter la moisson de chaque groupe et de les payer en conséquence... Ces coopératives ont été créées à la suite de l'abandon des mines par l'état, bloquées par des grèves incessantes et par manque de rentabilité (salaires non versés, probable corruption...).
Il faut savoir que ce site a été pendant plus de 300 ans la source de plus de 60% des monnaies en argent de par le monde. Les espagnols n'ont pas trouvé l'el dorado, mais cette montagne (le cerró rico) les a significativement enrichis. On dit même que tout cet argent a permis à l'Europe de financer sa révolution industrielle au 19e. On ne sait pas quelle quantité au total a été extraite, mais la légende dit qu'un pont en argent aurait pu être construit jusqu'en Espagne pour finir de transporter le reste de métal. Mais le revers de la médaille n'est pas en argent, mais de sang... plus de 6 millions de personnes sont décédées dans ces mines pendant cette période, des indiens forcés et déportés, mais principalement des esclaves africains (il n'en reste presque aucun descendant).
Nous voilà donc devant l'entrée de la coopérative 27 de marzo, Julio papote avec les mineurs devant l'entrée!  Nous regardons l'étroit passage que nous allons emprunter d'une minute à l'autre... encore un doute?! ;)
Nous rentrons donc dans la mine, le plafond est très bas, il n'y a aucun éclairage, le sol est plein d'eau et boueux... Julio marche très vite, il est difficile à suivre. Nous manquons de souffle aussi, courir recroquevillé dans un tunnel à 4250m d'altitude avec une boule de coca dans la bouche est un sport que nous n'avons pas encore trop pratiqué... nous rencontrons rapidement les premiers mineurs, l'occasion pour Julio de nous expliquer leurs conditions de travail, leurs motivations, leurs croyances... dans cette région d'altitude, la mine est le seul réel moyen d'avoir un salaire. Mais le temps où les filons faisaient plus d'un mètre à même le sol du sommet de la montagne est depuis longtemps révolu... il faut désormais aller profond pour trouver des veines d'à peine 1cm. Ce travail est d'une difficulté extrême, tellement que peu de mineurs atteignent l'âge de 50 ans, les problèmes pulmonaires apparaissant souvent dès 35 ou 40 ans... mais ils y vont quand même, c'est leur seul moyen de faire manger leur famille et d'essayer de faire faire des études aux enfants. Il faut dire que dans ces pays, contraception et avortement sont des concepts lointains et flous... du coup les garçons sont papa avant 20 ans et les filles enceintes vers 15 ou 16... et pour finir ce beau tableau social, il est fréquent que les mineurs les plus "gradés" aient une 2e femme. C'est pour ces condamnés une manière d'être traités en prince en dehors de la mine et pour ces 2e femmes souvent la seule manière d'avoir de quoi vivre...
Du point de vue des croyances, c'est très particulier aussi... ils sont très catholiques évidemment, mais avec des pratiques fortement impactées par les anciennes religions locales. En dehors de la mine, Jésus et Marie sont rois, mais sous terre c'est tonton (tío) le maître. Ils ne l'appellent jamais diable, par peur de l'offenser... n'est il pas le seul maître en enfer? Chaque mine dispose d'une pièce dédiée, avec une statut de tonton et moultes offrandes (coca, colliers de fleurs, canettes de bière, alcool...). Il faut faire des offrandes et en rétribution tonton donne de l'argent. Les offrandes peuvent être de toutes natures... certains mineurs prêts à tout et avides d'argent en arrivent même à justifier leurs très mauvais actes: "si je fais de mauvaises choses, c'est pour que tonton soit content"... on vous laisse imaginer les dérives de toutes sortes que les 7 péchés capitaux peuvent suggérer. Chaque accident est aussi considéré comme un message donné par tonton voir comme une offrande...
Un petit dernier sujet notable, l'alcool... il est intimement lié à la vie des mineurs, qui s'en servent comme chez nous pour oublier... mais aussi comme moyen de faire des offrandes régulières à tonton dans la mine. Chaque découverte de filon par exemple doit être dignement célébrée, la première goûte de chaque verre étant versée au sol pour que tonton soit c... Julio en arrive même à conclure: "les mineurs boivent pour qu'il y ait moins d'accident". Ah oui au fait, whisky et rhums étant chers, les mineurs vont à l'essentiel: éthanol coupé à l'eau uniquement... A part ça, pas de problème d'alcool notable ici...

Voilà, après 2h30 passées dans la mine à vadrouiller,à réaliser la chaleur qu'il peut faire au fond, le manque d'air, la poussière... il est temps de sortir! Julio trottine vers la lumière et nous profitons à nouveau du jour. C'était impressionnant, touchant et parfois choquant. Nous avons croisé d'autres mineurs, très jeunes parfois, Julio les connaissait et nous a fait échanger avec eux. Une expérience unique.

Le retour sous la pluie se fait dans l'urgence. On se déshabille et on retourne à l'agence récupérer nos sacs et manger. Julien goûte son premier steak de lama puis nous partons au terminal en taxi. Nous allons à Sucre, une des capitales de la Bolivie!

Julie(n)


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